Dark Light

Poèmes de Hedy Habra

by Hedy Habra

jacaranda

Voy a construir una ventana en medio
de la calle para no sentirme solo
Miguel Ángel Zapata

Le poète voudrait construire une fenêtre au milieu de
la rue pour ne pas se sentir seul. Moi aussi j’aimerais
construire une fenêtre en pleine rue, y planter un
jacaranda, et puis, me réveiller au son des chants des
oiseaux nichés dans ses branches. Je prendrais mon
café matinal assise à même le sol jonché des pétales
pourprés de mon enfance et chaque soir, je
sentirais ses branches frémir sous la lointaine brise qui
souffle à Beyrouth le long de la corniche, transportant
les embruns parfumés de souvenirs au travers des volets
entrouverts. La nuit est tissée de bruissement d’ailes.


L’attente

Face à face dans une barque immobile, les amoureux
sont enveloppés d’une lueur lapis lazuli comme dans
une toile de Miró revue par Klein : une mer profonde
s’évapore autour d’eux, libérant un essaim de poissons
rouges, à l’aise comme dans un aquarium: seuls les
ailerons silencieux virevoltent à l’instar de lucioles
autour du croissant de lune témoin muet de cette scène
figée : le jeune homme tend d’une main un morceau
de pain de lune et de l’autre, une étoile écarlate de
la couleur du bonnet de la jeune fille. Elle réfléchit,
penchée sur son offrande, tout en soupesant de ses
mains croisées ses deux seins lourds de promesses.


 

La clef des songes

Des fois je rêve d’une clef qui ouvre plusieurs portes, d’un
univers inscrit sous mes paupières avec l’encre pâle de tes
yeux. Il suffit que je m’endorme pour la sentir bien serrée
dans mon poing, multiplier les étreintes, déchiffrer à rebours
les tatouages invisibles à l’oeil nu, dévider le fil de soie du
temps écoulé.

Des fois, je plonge au plus profond de moi-même, noyée
dans l’humeur aqueuse, je m’accroche en vain au moindre
geste, à la moindre caresse : mais même dans les songes, on n’a
le droit d’ouvrir qu’une porte à la fois.


Goutte à goutte

Des gouttes de sueur froide ruissellent sur mes tempes :
parois d’une grotte souterraine, l’air me manque, mon coeur
tourbillonne, croît en spirale, se pétrifie en coquillage scellé
autour de la lumière bleue d’un cénote maya empli de l’écho
muet des soupirs de vierges immolées : mes rêves s’y noient
autour des cendres de mes souvenirs, les yeux secs, je sens le
sel de larmes ravalées s’écouler en un éternel goutte à goutte,
s’infiltrer à travers des fissures nacrées : les valves éclatent en
une lame de fond qui me projette hors de moi sur les dunes
couvertes d’écume.

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